
Coupe du monde 2022 : le Sénégal, la « hargne » de génération en génération
21 novembre 2022En 2002, les Lions de la Teranga se sont hissés jusqu’en quarts de finale. L’équipe championne d’Afrique, qui joue son premier match lundi au Qatar face aux Pays-Bas, veut aller encore plus loin.
C’est un vendredi, jour de prière. Et de miracles aussi. Ce 31 mai 2002, un pays et un continent se tournent vers Séoul en Corée du Sud. Peu avant midi (décalage horaire oblige), le Sénégal affronte en match d’ouverture de la Coupe du monde un adversaire vertigineux : la France. Difficile alors d’imaginer qu’une si « petite » nation – qui participe au premier Mondial de son histoire – peut briser cette armée tricolore, tenante du titre.
France-Sénégal, c’est le duel de tous les déséquilibres et, pourtant, les Bleus de Thierry Henry et de David Trezeguet (Zinédine Zidane, blessé à une cuisse, est sur le banc) vont tomber de leur piédestal. Tout bascule à la 30e minute : El-Hadji Diouf déborde sur la gauche et le centre ; Emmanuel Petit tente de dégager le cuir mais celui-ci rebondit sur Fabien Barthez qui se perd dans sa sortie. En embuscade, Papa Bouba Diop, qui débarque de nulle part, glisse le ballon au fond des filets.
Le milieu sénégalais file vers un poteau de corner, retire son maillot pour le déposer sur le gazon et se met à danser autour de sa tunique blanche avec ses coéquipiers. Les Sénégalais tiennent le score jusqu’au coup de sifflet final (0-1) et humilient, au passage, les prétendants naturels à la victoire finale. Devant la planète foot, les Lions de la Teranga viennent de croquer des Coqs jusqu’ici redoutés. « Après cette victoire, il manquait des poulets au Sénégal, on les avait tous mangés », se rappelle dans un éclat de rire Cheikh Fantamady Keïta, journaliste au quotidien Le Soleil. La France a perdu. L’Afrique danse et toute l’Afrique va continuer à danser lors de ce Mondial.
La fierté est intacte
Car l’exploit des Lions ne se limite pas à battre les champions du monde : ils réussissent à se hisser jusqu’en quarts de finale. Face à la Turquie, les Sénégalais, entraînés par le Français Bruno Metsu, tiennent bon ; mais ils sont éliminés à cause d’un but en or inscrit au début de la première prolongation (0-1). En rentrant au pays, les Lions sont acclamés : une équipe est née, une légende aussi.
25 janvier 2022. Sur la pelouse de Bafoussam au Cameroun, Bamba Dieng, un gamin de 21 ans, marque son premier but en sélection sénégalaise face au Cap-Vert en huitièmes de finale de la Coupe d’Afrique des nations (2-0). Le voilà qui file vers le poteau de corner et danse comme Papa Bouba Diop (mort en novembre 2020). « J’ai toujours pensé qu’il fallait leur [la génération 2002] rendre hommage », explique alors le jeune Lion. « Cet hommage à Pape Bouba Diop est un geste d’union entre toutes les générations, celle de 2002 et celle d’aujourd’hui », note à son tour El-Hadji Diouf, devenu depuis un dieu vivant dans son pays.

Cette célébration a rempli de joie Aliou Cissé, le sélectionneur du Sénégal. « C’est émouvant », reconnaît-il. Et c’est normal : il a été le capitaine charismatique de l’équipe de 2002.Aujourd’hui, ses dreadlocks sont plus longues, les lunettes plus larges et le sourire est immuable. « Beaucoup de garçons nous ont suivis à l’époque. Certains me disent qu’ils couraient derrière notre bus en 2002. Aujourd’hui, j’ai la chance de les entraîner », ajoute-t-il. Vingt ans après cette épopée, la fierté est intacte.
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