
« Je préfère aller en taule plutôt qu’en Ukraine » : en Russie, le choc de la mobilisation militaire
22 septembre 2022L’apathie politique des Russes, longtemps favorisée par le pouvoir, est mise à rude épreuve par les annonces faites par Vladimir Poutine. Comme sur une discussion Whatsapp entre habitants d’une petite ville près de Moscou, où d’habitude on discute de tout, sauf de politique.
C’est un simple tchat de riverains d’une petite ville de la région de Moscou – quelques dizaines de personnes, des femmes en majorité, qui ont pour habitude d’échanger sur la messagerie WhatsApp. D’ordinaire, on y discute de tout et de rien, de l’état des potagers, des nuisances provoquées par les chiens errants, des confitures qu’on veut s’échanger, du prix des services communaux.
Surtout pas de politique : question de savoir-vivre, dans une Russie où le sujet est cantonné, au mieux, aux cuisines, et où le débat public est un terrain perçu comme non seulement dangereux, mais aussi répugnant, gangrené par la corruption et la violence.
Quelques minutes à peine après l’adresse à la nation de Vladimir Poutine, mercredi 21 septembre, cette règle élémentaire de prudence et de politesse est oubliée. D’abord, un simple lien vers un site d’informations est publié : « Vladimir Poutine a signé l’oukase décrétant la mobilisation partielle pour l’Ukraine. » Une femme se lance, la première. Avec pour seule arme une ironie teintée d’amertume : « Comment ça, la mobilisation ? Alors qu’il n’y a même pas la guerre ! Ou bien c’est comme avec la pandémie, un jour oui, un jour non ? Et nous, on paye tous les jours… »
Les vannes sont ouvertes, un flot d’émotions et d’inquiétudes se déverse brutalement :
« Vous ne lisez pas les nouvelles ? Tout a été prévu dès hier. Refuser la mobilisation est désormais un crime pénal.
– Je préfère encore faire de la taule, au moins tu as une chance de survivre.
– Surtout qu’ils viennent de vider les prisons pour envoyer les prisonniers combattre… »